Aurélien Berra, Faire des humanités numériques

, par valerie Marchand

Lu par JB Chaumié

Références

Publié dans l’édition numérique, OpenEditionBOOKS, d’un livre intitulé Une introduction aux humanités numériques, recueil de 18 contributions , dirigé par Pierre Mounier, septembre 2012 : https://books.openedition.org/oep/238

La version originale de ce texte a été prononcée lors de la
Conférence du 29 novembre 2011, dans le cadre du colloque Les métamorphoses numériques du livre, organisé par l’Agence régionale du Livre Paca, sous la direction d’Alain Giffard.

Abstract

Aurélien Berra est professeur, maitre de conférences en lettres classiques à Nanterre et consacre toute une partie de son enseignement au Humanités numériques.

L’objet de l’article ( communication) est de donner des éléments d’histoire, un aperçu de la théorie, et une idée de ce que c’est que la pratique.

Citations

  • Texte, langage, sémantique

« En somme, le texte est polymorphe. C’est un fait ancien, mais aussi une réalité concrète pour nombre de lecteurs, dont je fais partie. Si je suis un amoureux des manuscrits, des livres, c’est avant tout le texte qui m’importe. Et s’il faut se battre pour des supports, ce n’est pas pour eux-mêmes, mais bien pour ce qu’ils permettent, à savoir une forme de communication, une forme de culture, une forme de réflexion ».

« Il s’agit d’inventer une façon d’utiliser ensemble ces trois formats , pour un universitaire qui fait des recherches, le manuscrit, l’imprimé, le numérique ; « à mettre en relation selon des modalités encore à inventer dans bien des cas »

« les pratiques culturelles sont profondément inscrites dans l’histoire des techniques. »

  • Culture numérique

http://www.humanitiesblast.com/manifesto/Manifesto_V2.pdf

https://tcp.hypotheses.org/318

« J’ai évoqué la possible assimilation future du numérique par les humanités. Mais le moment présent est marqué par une urgence particulière. Nos sociétés vivent, de gré ou de force, une conversion numérique et cette transformation conduit parfois ceux qui croient favorable ce changement à une rhétorique de la révolution. De fait, il y a souvent une dimension politique ou militante à l’engagement dans les humanités numériques : au sein des communautés savantes, pour changer leurs méthodes, comme au sein de la société en général.  »

" En ce sens, on peut dire qu’il s’agit d’un mouvement, et non plus seulement d’un moment. Ce mouvement a produit ses manifestes. Ils font entendre la voix d’une minorité et expriment un sentiment d’oppression – et probablement, dans le même temps, le sentiment de distinction d’une avant-garde clairvoyante. Si je mentionne cette double motivation, c’est que l’on peut opposer deux modèles."

Deux modèles :
«  D’un côté, le manifeste américain issu de l’université de Californie, publié pour la première fois en 2008, révisé de façon collaborative et actualisé en 200923. Je le décrirais comme pamphlétaire, utopique et artistique, car il me semble pertinent de le rapprocher du surréalisme, du dadaïsme ou du futurisme. »

« De l’autre, le manifeste élaboré à Paris en 2010 par les organisateurs et les participants du premier THATCamp européen. Ce texte a davantage valeur de déclaration ; il invite les lecteurs à signer une pétition et à rejoindre un mouvement en définissant une orientation constructive. Il s’agit de favoriser une culture numérique dans l’ensemble de la société, d’établir des programmes, des diplômes, des carrières pour ceux qui se consacrent à ces études, de définir également une « compétence collective » au service d’un bien commun. D’une façon générale, il est question d’œuvrer à une réforme et non pas à une révolution, à travers le partage de bonnes pratiques, à travers un consensus au sein des communautés et à travers le développement de cyberinfrastructures, c’est-à-dire d’équipements et d’institutions spécifiques. La prise en compte de ce dernier besoin est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les humanités numériques ne peuvent pas constituer une nouvelle tour d’ivoire : il leur faut des moyens, des équipes et une collaboration intense. »

Un des enjeux est aussi une redéfinition des métiers : « je signale le mouvement à la fois réformiste et contestataire des alternative carrieres of academia, qui s’est développé aux États-Unis dans la mouvance des humanités numériques. Ces alt-ac promeuvent les métiers nouveaux exercés par des techniciens lettrés, ou des lettrés techniciens, qui ne sont plus intégrés à l’université comme chercheurs ni comme membres d’une unité de service. On voit là émerger toute une problématique liée aux carrières et aux procédures de collaboration au sein des projets. »

Et , fondamentalement, il s’agit de réinventer les pratiques savantes, ambition qui implique une sorte de phénoménologie, une description réaliste des opérations élémentaires du travail savant. Ce sont les scholarly primitives (opérations fondamentales du travail savant ) évoqués par John Unsworth, toujours dans le séminaire de 1999 que j’ai cité : découvrir, annoter, comparer, faire référence, prendre un échantillon, illustrer, représenter.

«  Il ne s’agit pas de résoudre des problèmes, mais de créer des problèmes », dit en substance McCarty. Ce souci de problématisation doit accompagner de part en part le travail savant. Il demande finalement de remettre en cause un mode de maîtrise, de contrôle et de clôture des savoirs, de mieux cerner la construction des savoirs. Cela suppose de redéfinir la place de la technique, de la collaboration et de l’évaluation. À défaut de l’humanité nouvelle du transhumanisme, l’enjeu est de renouveler de l’intérieur les humanités. Dans ce projet, théorie et pratique sont indissociables. »

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)