Alan Turing , Les ordinateurs et l’intelligence, Points Seuil

, par valerie Marchand

Lu par Jean-Baptiste Chaumié

Références

Alan Turing , Les ordinateurs et l’intelligence , traduction de Patrice Blanchard, Collection Points Seuil
Titre original : Computing Machinery and Intelligence, 1950 , Oxford University Press, vol. 59, no 236,‎ octobre 1950

Abstract

Article qui établit les conditions qui permettraient à une machine informatique de faire les même tâches qu’un humain, dans le domaine purement intellectuel.

Citations

Le test de Turing :

« Je propose de considérer la question : « les machines peuvent –elles penser ? Il faudrait commencer par définir le sens des termes « machines » et « penser »...Au lieu de m’essayer à une telle définition je remplacerais la question par une autre, qui lui est étroitement liée et qui est exprimée en des termes relativement non ambigus.
Le problème reformulé peut être défini dans les termes d’un jeu que nous appellerons « le jeu de l’imitation ». Il se joue à trois : un homme (A), une femme ( B) et un interrogateur (C) qui peut être de l’in ou l’autre sexe. L’interrogateur se trouve dans une pièce à part, séparé des deux autres. L’objet du jeu, pour l’interrogateur, est de déterminer lequel des deux est l’homme et lequel est la femme. Il les connaît sous les appellations X et Y et, à la fin du jeu, il doit déduire soit que « X est A et Y est B » soit que X est B et Y est A ». … Qu’arrive-t-il si une machine prend la place de A dans le jeu ? l’interrogateur se trompera-t-il aussi souvent que lorsque le jeu se déroule entre un homme et une femme ? Ces questions remplacent la question originale : « les machines peuvent –elles penser
 » . P135 ; 136

Règles :
«  la méthode des questions et des réponses semble être adapté pour introduire presque n’importe quel champ des capacités humaines que nous souhaitons inclure. Nous ne souhaitons pas pénaliser la machine pour son incapacité à briller dans des concours de beauté, et nous ne voulons pas pénaliser l’homme parce qu’il perd quand il court contre un avion. Les conditions de notre jeu rendent ces incapacités non pertinentes. S’ils le jugent souhaitable, les « témoins » peuvent se vanter autant qu’il leur plaît de leurs charmes, de leur force ou de leur héroïsme. Mais l’interrogateur ne peut exiger une démonstration pratique . » p 138

Objectif de la question.
 : Il existe déjà un bon nombre d’ordinateurs en état de marche, et l’on peut se demander ; «  Pourquoi ne pas tenter l’expérience tout de suite ? Il serait facile de satisfaire aux conditions du jeu. On pourrait utiliser un certain nombre d’interrogateurs et recueillir des données statistiques pour montrer la fréquence selon laquelle la bonne réponse est donnée. » Nous dirons, pour répondre brièvement, que nous ne nous demandons pas si tous els ordinateurs obtiendraient des résultats satisfaisants dans le jeu, ni si les ordinateurs actuellement disponibles obtiendraient ces résultats, mais s’il existe des ordinateurs imaginables qui les obtiendrait  » p 139, 140

Fonctionnement de la machine :

Si l’on veut faire imiter par une machine les comportements du calculateur humain dans quelque opération complexe, on doit lui demander comment il fait, puis traduire la réponse sous la forme d’une table d’instructions autrement dit : un programme . « programmer une machine pour exécuter l’opération A » veut dire : mettre dans la machine la table d’instructions appropriée pour qu’elle execute A. Une variante intéressante de l’idée d’ordinateur est l’ordinateur avec un élément de hasard ». cers ordinateurs comportent des instructions qui incluent le jet d’un edé, ou tout autre procédé électronique équivalent. » P143

Origine de l’ordinateur , la machine de Babbage :

« L’idée d’ordinateur est ancienne. Charles Babbage, professeur de mathématique à Cambridge de 1828 à 1839, avait conçu une telle machine appelée « machine analytique », mais elle ne fut jamais terminée. [ … Le fait que la machine analytique de Babbage ait dû être entièrement mécanique nous aidera à nous débarrasser d’une superstition. On attache souvent de l’importance au fait que les ordinateurs modernes sont électriques et que le système nerveux aussi est électrique. Puisque la machine de Babbage n’’était pas électrique, et puisque tous les ordinateurs lui sont en un sens équivalents, nous voyons que l’utilisation de l’électricité ne peut guère avoir d’importance théorique. On trouve, bien sûr, habituellement l’électricité là où l’on a besoin de signaux rapides.  » P 143, 144

Objections faite à la possibilité de produire une telle machine : (parmi d’autres)
 L’objection de la conscience :
«  Cet argument est très bien exprimé dans le discours de Lister de 1949 du professeur Jefferson, dont j’extrais cette citation : « nous ne pourrons pas accepter l’idée que la machine égale le cerveau jusqu’à ce qu’une machine puisse écrire un sonnet ou composer un concerto à partir de pensées ou d’émotions ressenties et non pas en choisissant des symboles au hasard, et non seulement l’écrire, mais savoir qu’elle l’a écrit. … Cet argument revient à nier la validité de notre test. Selon ce point de vue extrême la seule manière dont on pourrait s’assurer qu’une machine pense serait d’être la machine et de ressentir qu’on pense.
Je ne voudrais pas donner l’impression de penser qu’il n’y a pas de mystère relatif à la conscience. IL y a par exemple une sorte de paradoxe lié à toute tentative faite pour la localiser. Mais je ne crois pas que ces mystères doivent nécessairement être résolus avant que nous puissions répondre à la question qui nous intéresse ici  »P 154, 155

 Une machine peut–elle faire des erreurs ? ( au sujet de l’objection qui s’appuierait sur le fait qu’une machine ne peut se tromper)

«  La machine, peut, par exemple, imprimer des équations mathématiques ou des phrases en anglais. Quand une proposition fausse se trouve imprimée, nous disons que la machine à commis une erreur de conclusion. Il n’y a évidemment aucune raison de dire qu’une machine ne peut pas faire ce genre d’erreur. Elle pourrait ne rien faire d’autre qu’imprimer sans cesse « 0=1 ». Pour prendre un exemple moins pervers, elle pourrait disposer d’une méthode pour tirer des conclusions par induction scientifique. Nous pouvons nous attendre à ce qu’une telle méthode conduise occasionnellement à des résultats erronés. » P158

 L’objection de Lady Lovelace :
Les renseignements les plus détaillés que nous possédions sur la machine analytique de Babbage proviennent du mémoire de Lady Lovelace. Elle y déclare : « la machine analytique n’a pas la prétention de donner naissance à quoi que ce soit. Elle peut effectuer tout ce que nous lui ordonnons de faire  ». P 160

Réponses :

«  Les machines me prennent très fréquemment par surprise. La raison principale en est que je ne fais pas de calculs suffisants pour décider ce à quoi je peux m’attendre de leur part ou plutôt que, bien que je fasse des calculs je les fais de manière rapides et baclée, en prenant des risques. » P161
Possibilité de concevoir une « machine enfant » capable d’apprendre .
« Au lieu de produire un programme qui smule l’esprit de l’adulte, pourquoi ne pas essayer d’en produire un qui simule celui de l’enfant ? s’il était alors soumis à une éducation appropriée, on aboutirait à un cerveau humain. Il est probable que le cerveau d’un enfant est une sorte de carnet acheté en papeterie : asses peu de mécanisme et beaucoup de feuilles blanches. Notre espoir est qu’il y ait si peu de mécanisme dans le cerveau d’un enfant qu’il soir très facile de le programmer » P 169

«  l’idée d’une machine qui apprend peut paraître paradoxale à certains lecteurs. Comment les règles d’opération de la machine peuvent-elles changer ? Elles devraient décrire complètement la manière dont la machine réagira, quels que soient les changements qu’elle puisse subir. Les règles ne varient donc pas du tout dans le temps. C’est tout à fait vrai. L’explication du paradoxe est que les règles qui seront changées dans le processus d’apprentissage sont d’un type tout à fait modeste et ne revendiquent qu’une validité ephémère. Le lecteur peut mettre en parallèle la constitution des Etats-Unis  » P 173

Conclusion :

« Nous pouvons espérer que les machines concurrenceront finalement l’homme dans tous les champs purement intellectuels. Mais par lesquels vaut-il mieux commencer ? Même cette décision est difficile à prendre. Beaucoup de gens pensent qu’une activité abstraite comme le jeu d’échec serait le meilleure. On peut aussi soutenir qu’il vaut mieux équiper la machine avec laes meilleurs organes sensoriels que l’on puisse acheter, puis lui apprendre à comprendre et à parler français. Ce processus pourrait se conformer à l’enseignement normal d’un enfant. On lui montrerait et nommerait des objets etc. Encore une fois, je ne sais pas quelle est la bonne réponse, mais du moins nous voyons qu’il reste bien des choses à faire  » P.174

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